Ulysse et Pénélope est la seconde étape strasbourgeoise d’une collaboration entre l’ensemble musical Accroche Note et Michel Kelemenis, initiée en 2000 par le gmem-CNCM-marseille.
C’est un voyage musical à travers les écritures contemporaines, un récital où apparaît en solo chacun des interprètes danseurs ou musiciens.
Les traits premiers de la relation des 2 héros antiques sont la séparation physique par la cruauté d’un voyage sans limites, et la destinée vers laquelle se déroulent simultanément 2 vies et 2 imaginations, dans la solitude de leur éloignement. Le parallèle s’impose avec la musique et la danse dont les révélations à nos sens sont fondamentalement différentes et l’attraction de l’une vers l’autre d’un magnétisme sans bornes.
Récital à danser, dansé par Muriel Masclaux
Pénélope, dans sa chambre, tisse sa toile le jour, mais, le soir venu, défait tout le travail. Impossible oubli et fidélité inébranlable nourrissent l’interprétation de la danseuse, et son isolement sert de fil conducteur comme de lien dans l’écoute d’un récital convoquant 3 soli musicaux.
Le retour d’Ulysse au soir du combat, dansé par Kelemenis
Au retour vers Ithaque où attend Pénélope, le voyage d’Ulysse ricoche vers un ailleurs insensé peuplé d’inventions mythologiques et d’espaces nouveaux. L’alternance du réel avec l’imaginaire se traduit en scène par celle de l’écriture avec l’improvisation : se dégage une pulsation salutaire où chaque mode - écrit ou improvisé - vient régénérer l’autre d’un petit grain de risque, redonnant à l’infinitésimale nécessité d’anticipation des interprètes une part énorme de jubilation.
6 juin.2003
Ulysse et Pénélope : tisser et défaire l’espace et le son
Michel Kelemenis et l’ensemble musical strasbourgeois Accroche Note se sont retrouvés à Strasbourg pour visiter le répertoire de la musique contemporaine, la mythologie et le geste chorégraphique.
Le chorégraphe marseillais, longtemps interprète chez Dominique Bagouet, puis fondateur de sa propre compagnie est attentif à la création de l’autre. À la présence et la collaboration d’autres artistes ; la musique le travaille au corps et la proximité des musiciens lui est chère ; la rencontre avec Accroche Note est aussi une histoire d’affinités, de complicité ; alors pourquoi ne pas tisser des liens, une toile sonore et visuelle, la faire et la défaire en tentant le diable : la relation étrange entre musique et danse depuis la révolution cunninghamienne, qui soutendait soit le divorce entre l’une et l’autre, soit l’indifférence aléatoire ou encore mieux, l’instauration du silence pour sa durée, sa texture, son opacité.
Ulysse et Pénélope est la souche de départ de cette rencontre entre corps et musique, avec le corps de la musique et la musicalité des corps. Michel Kelemenis, auteur d’une danse forte et sensuelle, où l’accent est souvent mis sur la dimension plastique des corps ("Faune Fomitch", hommage à Nijinski, "Paires câlines", "Grands soirs", "Clin de Lune", "Chère Amour…"), défriche les champs sonores et inouïs par la danse.
Danse axiale qui bascule du sagittal à la verticale ou l’horizontale ; le regard du danseur scrute l’horizon tel le marin au long cours et l’espace s’élargit, faisant place à de vastes horizons. Les musiciens sont présents sur scène, aux bords des lisières, se partageant le territoire physique et sonore.
Aperghis est magistralement interprété par Françoise Kübler qui fait de "Monomanies" un texte psalmodié par les gestes des deux danseurs qui évoluent sur le fil de la partition. La danseuse, Muriel Masclaux, musicale, raffinée et discrète, interprète au Ballet du Rhin, épouse la danse de Kelemenis et la rend légère autant que grave ; les portés enlacés des deux personnages sont de toute beauté, éclairés faiblement en toute intimité de bonheur. "Le retour d’Ulysse au soir du combat", création musicale pour voix, percussions, clarinettes, saxophone et contrebasse, révèle la pureté et le maniérisme de la danse solo de Michel Kelemenis : clins d’œil à une gestuelle très codée, vivace et soulignant des directions précises, des décisions très nettes, même dans l’improvisation, dans les parcours, les inflexions : du beau travail sur le métier à tisser de la danse.
La compagnie Plaisir d’Offrir est décidément le berceau d’une odyssée tranquille et à la fois révolutionnaire ; danser sur la voix de Françoise Kubler, sur les sons d’Armand Angster est sans aucun doute un "plaisir" de plus à nous offrir en partage !
Chorégraphie - Michel Kelemenis
Avec l’ensemble musical - Accroche Note
Création le jeudi 25 mai 2000
Festival Les Musiques du gmem-CNCM-marseille
Michel Kelemenis et Accroche Note proposent une ballade entre composition et improvisation. L’ensemble musical strasbourgeois Accroche Note joue en 1e partie des œuvres de Georges Aperghis, Igor Ballereau et John Cage.
La 2e partie de cette soirée unique est un partage, qui vagabonde entre écriture et improvisation, dansées et musicales, avec Armand Angster à la clarinette, Jean-Daniel Hégé à la contrebasse et la soprano Françoise Kubler.
C’est une des premières fois que Kelemenis présente sur scène une danse dont l’écriture n’est pas achevée, mais s’inscrit dans le présent. Il s’inspirera de thèmes tels que le voyage, réel ou rêvé, la tempête (tempête réelle qui emporte Ulysse lors de son retour mythologique vers Ithaque, mais aussi métaphore d’une tempête métaphysique intérieure), ou encore la relation au temps.
« C’est au moment où il imagine son parcours terminé que le rideau se lève sur une autre partie du périple d’Ulysse : il avait jusque-là simplement accompli le voyage d’un navigateur de retour d’une expédition guerrière au-delà des mers. Mais, quand ils doublent le cap Malée, une tempête s’abat à l’improviste sur les Grecs. Elle va souffler sept jours durant, transportant la flottille dans un espace tout différent de celui où elle naviguait auparavant… »
Jean-Pierre Vernant in L’Univers, les dieux, les hommes
Ce moment insensé où le voyage d’Ulysse ricoche vers un ailleurs peuplé d’inventions mythologiques donne la possibilité d’un parallèle entre le basculement dans la fiction d’une part, et d’autre part la découverte d’espaces nouveaux, autres, que je n’ai jamais côtoyés auparavant.
En l’occurrence ces espaces sont sonores, créés par les musiciens d’Accroche-Note avec la diversité de leurs origines. Une façon, par le croisement des accès, d’ouvrir une porte de plus vers l’imaginaire, dans le partage d’un présent simultané.
Michel Kelemenis
Les plus éminents compositeurs écrivent spécialement pour les musiciens virtuoses de l’ensemble Accroche Note. La rencontre se fait en mai 2000, à l’initiative du festival Les Musiques du gmem-CNCM-marseille, sous la forme d’un impromptu de 25 minutes environ, pour 3 musiciens et 1 danseur partageant la même scène : Le retour d’Ulysse au soir du combat, une découverte riche de plaisir réciproque. Sur les chemins ouverts par cette collaboration Michel Kelemenis bouscule sa danse et débute une exploration de temps scéniques improvisés.
De ce moment date l’idée d’animer la forme du concert de musique contemporaine en lui adjoignant la vie supplémentaire d’une présence dansée : ainsi naît Ulysse et Pénélope, un récital à danser où chacun des interprètes, musicien ou danseur, apparaît en soliste.
Accroche Note est un groupe de solistes qui s’est formé en 1981 autour de Françoise Kubler et Armand Angster. La souplesse de son effectif - du solo à l’ensemble de chambre - lui permet d’aborder en différents projets des pages historiques (du XIXe siècle à la seconde École de Vienne ainsi que Stravinsky, Dallapiccola...), la littérature instrumentale et vocale (Bério, Cage, Donatoni, Stockhausen...), mais aussi les oeuvres faisant une large part au geste, le théâtre instrumental cher à Kagel ou Aperghis, et l’improvisation au travers du jazz et des musiques improvisées.
Depuis plusieurs années, l’ensemble développe une politique de commandes et travaille en étroite collaboration avec les compositeurs. Parmi les créations récentes d’Accroche Note, figurent notamment des oeuvres de Georges Aperghis, James Dillon, Pascal Dusapin, Franco Donatoni, Philippe Manoury, Marc Monnet, Ivan Fedele, Horatio Radulescu ou Gérard Pesson.
Cette fonction essentielle, ajoutée à l’exigence avec laquelle sont approchées les œuvres, a permis à l’ensemble de s’imposer dans les plus importantes manifestations internationales : La Rochelle, Musica à Strasbourg, Manca à Nice, Musica Nova à Sao Paulo et Santos au Brésil, Huddersfield et Almeida en Angleterre, Musica 900 à Trento, Ars Musica à Bruxelles, Weltmusiktage à Francfurt, Festival Présence à Radio France, Ultima à Oslo...