Œuvre à la gloire du sexe sans risque, ce plaidoyer chorégraphique en faveur de la prévention évoque sans détours la nécessité de protection contre le sida
"Il est bien difficile de donner prise au sens lorsque l’on aime que la danse soit une émanation abstraite ou plus simplement le mouvement des corps. Ceci est plus ardu encore quand la concentration se rapporte à quelque chose de vrai et d’intime que l’on veut à la fois garder pour soi et faire vivre, taire et dire.
En dire mais en taire : le maintien de ce paradoxe donne sans doute à un comportement sa singularité, à un travail sa marque de nouveauté, l’intérêt d’une aventure. Anthère, quintet, partie supérieure –protection- de l’étamine (sexe mâle des végétaux à fleurs) qui renferme le pollen. Sorte de capote végétale. "Entre toi et moi une surface obligatoire contre laquelle je m’étends." En terre, engrais.
La danse, vive, vertu et mouvement d’un fouet dont l’impact ferait mouche sans blesser, sensible, substance qui se trouble et absorbe quand on l’approche à s’y fondre, vivante."
Michel Kelemenis
mars.2005
Un flot de baisers
Dix ans séparent Besame (…), la récente création de Michel Kelemenis, d’Anthère, l’autre pièce présentée dans le même programme. Si le chorégraphe, aujourd’hui installé à Marseille, a traversé entre-temps une période davantage consacrée aux solos et aux petites formes en général, il n’a en rien perdu cette écriture sensuelle et raffinée, immédiatement reconnaissable, dont ces deux pièces de groupe portent la marque. Anthère, dont la signification étymologique évoque une sorte de capote végétale, est une courte pièce à la gloire de l’amour et du sexe sans risque. Créé en 1994, alors que l’épidémie du sida frappait de plein fouet le monde de la danse, c’est un plaidoyer chorégraphique en faveur de la prévention. Contrairement à des chorégraphes comme Bill T. Jones qui, avec Still Here, montrait les ravages de cette maladie, Kelemenis prend le problème en amont et, évitant le pathos, choisit le plaisir tout en affirmant la nécessité de se protéger. Sur le baiser que s’échangent les interprètes se concentrent tous les dangers mais la danse est tendre, précise, fluide."
mars.1994
Sans aucune considération moraliste , sans que jamais il n’y ait idée de la faute, Kelemenis parle du sida ou plutôt de protection. Anthère est emprunté à la flore. Entre les caducées qui jonchent le plateau, les 2 danseuses et les 3 danseurs, soutenus par le travail d’André Serré, orageux, tapageur, qui n’hésite pas à déclencher des chaufferies en plein spectacle, sont formidablement turbulents. Multipliant les entrées et les sorties, chavirant sur des baisers exquis, il s’emploient à la libre circulation des corps.
Kelemenis, gourmand, ne chorégraphie pas le désir mais l’envie. Jusqu’à cette scène finale où 2 corps s’enlacent fougueux alors qu’un 3e larron, consciencieusement, inlassablement, remet l’étoffe qui sépare les 2 sexes.
mars.1994
Anthère, donne a posteriori, le ton de la soirée Cinq danseurs pour évoquer les croisements sentimentaux et leurs risques par temps de sida : ils sont beaux, sensuels et s’effondrent après s’être embrassés. On peut parfois trouver l’allégorie lourde, en particulier dans l’évocation sans ambages de la nécessité de rapports sexuels protégés, mais en la matière, mieux vaut sans doute un peu trop que pas assez. La pièce prend une patine de subtilité avec le temps.
Le programme Clins de lune offre une méditation sur l’amour d’aujourd’hui qui en dit plus que les études institutionnelles et les campagnes médiatiques. Quant à Kelemenis, il s’affirme comme un talent sur lequel il faut compter.