"Le 9 décembre 1992, peu après que Dominique Bagouet se soit éteint, la lune s’effaçait dans une éclipse totale."
Michel Kelemenis
mars.1994
Kelemenis, éclair de lune
Cravaté pas très net, le danseur se tient droit dans l’obscurité entre 2 ampoules nues éclairant faiblement 2 flaques, luisantes comme le pavé parisien un soir de pluie. En parallèle avec la musique de Debussy, Kelemenis invoque tous ses états de danseur. On retrouve ses poignets déliés, ses sauts de gymnaste, on retrouve cette façon qu’il avait de se ramasser, animal dans Faune Fomitch, adresse à Nijinski. On le retrouve surtout alors que la danse est ample et généreuse dans un souci du détail.
Mais il est en même temps tout autre. Quelque chose s’est durci ou éclairci. Plus que jamais Kelemenis sait ce qu’il veut. Il peut interpréter des princes du répertoire romantique, des faunes et autres figures emblématiques de la danse, toutes convoquées dans ce solo, cela ne le divertit pas. Il a horreur de la cotation et fonce le regard perçant, face au public. Il veillait, il guettait, il a aujourd’hui l’attitude du faucon. Pour la beauté du vol, sa précision et sa rapidité, et non pour la proie. Lui qu’on a pressenti comme mutin se révèle sauvage, indomptable.
mars.1993
Le solo se veut dialogue poétique. S’attachant à la partition de Jeux, Kelemenis nous rappelle d’abord qu’il est un interprète exemplaire, d’une finesse et d’une justesse rare. Et puis dans un saut, soudain, un regard et c’est comme si on avait entrevu le regard de Bagouet, omniprésent dans cette pièce. (…) Clin de lune brûle d’une passion intérieure. Imperceptible strip-tease, l’âme est à nue quand Kelemenis quitte son dernier vêtement, laissant le sentiment d’une autre présence.